C’est quoi une photo naturelle ?

photo naturelle

C’est une question que je me pose souvent. Que des amis et confrères se posent souvent. Rien qui ne m’empêche de dormir la nuit, mais on se demande quand même : C’est quoi une « photo naturelle » ? Comment on retranscrit au mieux la réalité ? Je ne parle pas d’avoir une lumière artificielle proche de la lumière naturelle, ni d’un post-traitement naturel : je parle de regarder une photo et se dire « elle transpire la vraie vie ».

J’aime ou je n’aime pas ? 

La photographie, au même titre que les autres arts, s’apprécie de manière totalement subjective. Et c’est délicat d’être à la fois « artiste » et « juge ». Surtout qu’en auto-critique on a tendance à se concentrer sur ses bêtes noires et à oublier d’autres éléments.

Alors bien sûr il y a des critères universels qui rendent la photo plus agréable et lisible : une bonne composition, un sujet intéressant ou encore une maitrise de la technique. Je pense qu’on est tous d’accord sur ces points. Et pourtant, même en respectant ces critères, j’arrive à m’ennuyer devant certaines photos.

Ça ne serait donc qu’une question de goûts, de sensibilité ? Pas tout à fait.

Je ne suis pas le premier photographe à me demander ce qui fait une « photo vraie » et encore moins le premier à me demander ce qui rend une « œuvre vraie ». Alors si des hommes et des femmes se posent la question depuis des siècles, pourquoi moi, j’aurais la réponse ?

Ce qui compte ce n’est pas l’arrivée, c’est la quête

Donc pour faire une photo naturelle, il faut ne pas s’intéresser à la photo. Si je vous assure ! Enfin il ne faut pas que s’intéresser à la photo.

Je pense qu’en tant que photographe il est intéressant de s’éveiller aux autres arts. Vous le savez peut-être, mais ce qui m’a donné l’amour de la photo c’est le cinéma.

Depuis l’adolescence je suis fasciné par certains cadrages, par la narration par l’image, par les choix de couleurs. Inconsciemment le septième art m’a beaucoup aidé quand j’ai voulu commencer la photo. Mais ça m’a aussi beaucoup frustré : je n’étais pas Tarantino (et c’est tant mieux). J’avais comme référence des gens qui travaillent énormément chaque image, où tout était mis en scène. C’est le type d’image que j’aimais mais ce n’est pas le type d’image que je voulais produire. Mon truc à moi c’est le réalisme, documenter la « vraie vie véritable » en photo. Godard disait « La photographie c’est la vérité et le cinéma c’est vingt-quatre fois la vérité par seconde ». Et ma définition de la photo n’est d’accord qu’avec la première moitié de cette citation : la photo raconte la vérité, le cinéma raconte de la fiction.

Les arts pour les nuls

Pour en revenir aux arts, je pense qu’on peut apprendre énormément en photo en regardant ailleurs. De l’architecture je retiens surtout la symétrie, les lignes parallèles. De la sculpture le relief, la réaction à la lumière de certains matériaux, les détails. La peinture – l’ancêtre de la photo – contient tous les concepts qui me servent des siècles plus tard : le cadrage, la lumière, l’intensité ou non des couleurs. Un peu à part, il y a la musique, qui me sert quand même au quotidien. De la littérature, un medium très différent, je retiens la quête du réel, poussé à son paroxysme avec le naturalisme (coucou Zola). Du spectacle vivant je retiens le besoin de créer de l’émotion. De la BD je retiens la narration par l’image et le cadrage : ce qui est montré et ce qui ne l’est pas.

La vraie vie véritable

Alors pour capturer une photo de la « vraie vie » il faut peut-être définir ce qui n’est « pas la vraie vie ». La première chose qu’on ne fait jamais dans la vie, c’est s’arrêter quelques secondes pour poser. C’est de forcer le naturel. C’est souvent ce qui angoisse le plus mes clients : « on ne sait pas poser ». Et ça tombe bien, c’est absolument ce qu’on … Ne va pas faire. Si si, je vous assure, il est possible de faire des photos sans être planté dans un champ tels des épouvantails de luxe.

Ce besoin de « prendre la pose » date probablement d’une époque où les limitations techniques des appareils photos argentiques forçaient les gens à s’adapter en se figeant. On revient de loin, mais ce n’est plus le cas depuis un bon paquet d’années. Aujourd’hui le matériel professionnel permet de capter des sujets rapides, de faire rapidement son focus. Il n’y a plus d’excuses : la photo peut vivre, elle peut être en mouvement !

Plus besoin donc de forcer le sourire, de crisper le visage pendant de longues secondes en attendant après l’appareil photo.

Le problème, c’est qu’en séance photo, on est là pour faire des photos ! Je le sais, vous le savez, tout le monde le sait. Puis cet appareil photo, on ne voit que ça ! Mais comment fait-on pour avoir la vraie vie véritable en se trimbalant un énorme panneau « j’ai un appareil photo et je viens vous prendre en photo » au-dessus de sa tête ?

Alors comment on crée une photo naturelle ?

En lisant les paragraphes précédents vous m’imaginez peut-être en ninja furtif, courant de buisson en buisson pour me faire oublier et faire oublier l’appareil photo. Ce n’est pas tout à fait ça. J’utilise principalement trois techniques pour obtenir une photo naturelle :

1. Observer

Cela consiste à prendre de la distance et se faire oublier. C’est quelque chose qui marche bien quand il y a beaucoup de monde, comme un vin d’honneur. Les gens oublient votre présence, ils reprennent le cours de leur vie, ils rient, ils parlent, bref, ils retrouvent leur naturel. C’est à ce moment là que l’on devient plus des « voleurs d’instants ».

2. Participer

On est carrément sur l’opposé, là il faut s’intégrer. En allant vers les autres, en brisant la glace, en mettant en avant sa personne et son objectif. Là on obtient des choses inédites. Cela réclame plus d’efforts : il faut être empathique, bienveillant et sociable. Mais le jeu en vaut la chandelle, je suis persuadé qu’en ayant la confiance et la sympathie des gens que je photographie, j’aurais des images authentiques.

3. Créer

Alors on avait dit « on ne fait pas de pose » et je n’ai pas menti. Je ne crée pas des poses millimétrées. Mais je ne laisse pas non plus les gens les bras ballants. Je crée des situations. Pour les couples par exemple ça va être les faire danser, pour une famille cela va être de créer des jeux. En étant focalisé sur leur moment, les gens oublient ma présence et moi j’ai des photos vraies.

Donner et recevoir

C’est un jeu d’équilibriste constant entre fabriquer la « photo vraie » et la recevoir. En observant, en participant et en créant j’arrive à avoir des photos naturelles. Ce sont trois piliers sur lesquels j’essaie de me baser pour construire des photos naturelles. Je n’ai pas la prétention de dire que c’est la recette miracle, qui marche avec tout le monde tout le temps. Je voulais juste vous partager mon expérience et mon ressenti. Car c’est aussi ça la photo : du partage.

Du partage entre le photographe et ceux qu’il photographie.

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Image de Florian Teyssier-Baglione

Florian Teyssier-Baglione

Florian est un photographe à Valence. Ce qui le fait vibrer ? Raconter l'histoire des mariés, des couples et des familles.

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